SGOA DE | OBO 274 – Jean-Marie Durand, Michaël Guichard & Thomas Römer (Hg.) / Tabou et transgressions
585
single,single-post,postid-585,single-format-standard,has-dashicons,tribe-bar-is-disabled,ajax_fade,page_not_loaded,,select-theme-ver-3.1,wpb-js-composer js-comp-ver-4.11.2.1,vc_responsive

OBO 274 – Jean-Marie Durand, Michaël Guichard & Thomas Römer (Hg.) / Tabou et transgressions

Actes du colloque organisé par le Collège de France, Paris, les 11-12 avril 2012.

 

Ce colloque a réuni biblistes, assyriologues, et spécialistes de l’antiquité pour traiter de la question du tabou et des transgressions, à partir de leurs disciplines et à travers leurs corpus de référence : Bible, Mésopotamie, Grèce antique, Egypte ancienne, période mamelouke… Les contributions font d’une part ressortir l’absence d’un terme qui équivaudrait au mot « tabou », initialement emprunté par les anthropologues du siècle dernier aux langues polynésiennes. Il semble cependant que plusieurs caractéristiques rattachées à ce concept soient récurrentes dans les sociétés abordées.
Ainsi, plusieurs communications ont relevé l’importance des interdits alimentaires comme marqueurs identitaires. Ces « manières de table », tel que l’interdit du sang dans l’ancien Israël, permettent en effet au groupe d’établir ses propres limites « de l’intérieur », et de définir ses modes d’appartenance et de reconnaissance. Il arrive également que les régimes alimentaires servent à décrire le groupe de l’extérieur. Cela peut s’avérer injustifié et caricatural, comme dans le cas du régime sans porc attribué aux égyptiens par Hérodote, ou au contraire refléter une réalité socio-historique à l’image des Amorites, peuple nomade mangeurs de truffes du désert et de viande crue. La fonction identitaire des régimes alimentaires est également mise en valeur lors des rencontres interethniques où les groupes minoritaires, comme les juifs à la période hellénistique, sont obligés d’adapter leur pratique pour éviter leur exclusion des cercles d’influence de la cité.
Les relations sexuelles sont un domaine où les lois ont peu d’emprise et où les tabous permettent de définir les limites. Il a ainsi été question de la prostitution dans l’ancien Israël et de l’utilisation métaphorique de la prostitution dans le discours prophétique, du problème des mariages interethniques qui brouillent les frontières de la communauté, ou encore de la possibilité dans des situations exceptionnelles de braver des interdits fondamentaux comme celui de l’inceste afin de préserver d’autres valeurs du groupe.
On a également abordé des « tabous de contact » qui caractérisent des lieux exclusifs, comme un sanctuaire ou la maison d’une grande prêtresse, et dont l’entrée est réservée aux seuls initiés. Certains objets, tels que les butins de guerre, ou certaines personnes, tels que les premiers-nés, se voient attribuer un caractère sacré qui implique leur mise à l’écart du groupe. Inversément, leur « mise en contact » est conditionnée par l’observation d’un rituel ou de postures qui assurent la protection du reste du groupe.
La compréhension des interdits et des différentes formes de régulation nécessite la prise en compte du contexte économique et social dans lequel ils se développent ainsi que de l’imaginaire collectif auquel ils se réfèrent. Les Assyriens opèrent ainsi une distinction fondamentale entre le volontaire et l’involontaire. La prise en compte de fautes involontaires permet d’expliquer toute forme de malheur dont l’origine remonte au comportement de celui qui en est atteint. Ce sens de la responsabilité engendre de nouveaux interdits fixés par la science hémérologique, qui détermine les jours fastes et néfastes dont la connaissance permet de limiter les fautes inconscientes. Les textes fondateurs du judaïsme de l’époque perse expriment quant à eux un idéal où le droit serait placé sous l’autorité du temple. La loi du talion et les peines de mutilation qu’elle implique relève alors plus d’une construction idéologique que de la réalité historique.

This colloquium brought together biblical scholars, Assyriologists and scholars of Antiquity to discuss the question of taboo and its transgressions, from the perspective of their disciplines and through their particular corpus of texts: Bible, literary or archeological evidences from Mesopotamia, Ancient Greece, Ancient Egypt and the Mamelouk period… On the one side, the contributions highlight the absence of a term that would be the equivalent of the word “taboo”, originally borrowed from the Polynesian languages by last century’s anthropologists. It appears however that several characteristics connected to this concept are recurring in the societies under scrutiny.
Thus, several contributions indicated the importance of food prohibitions as identity markers. These “table manners”, such as the blood interdiction in ancient Israel, allow a group to establish its own boundaries from the inside, and to define its modes of belonging and recognition. It also happens that specific diets are used to describe a group from the outside. It can prove unjustified and caricatural, as is the case for the pork-less diet attributed to the Egyptians by Herodotus, or, on the contrary, reflect a socio-historic reality, like in the case of the Amorites, a nomadic tribe which ate desert truffles and raw meat. The identity function of diets is also highlighted in interethnic meetings, when minority groups, like the Jews in the Hellenistic periods, were forced to adapt their practice to avoid being excluded from the city’s circles of influence.
Sexual intercourse is a domain where laws hold little sway and where taboos help to define limits. Thus, prostitution in Ancient Israel was discussed as well as the metaphorical use of prostitution in prophetic discourse. Other contributions also analyzed the problem of interethnic marriages that blur the boundaries of the community, and the possibility, in extreme situations, to defy fundamental prohibitions such as incest in order to preserve other group values.
“Contact taboo” were also considered. They characterize exclusive places, like a sanctuary or the house of a high priestess, the entrance of which is limited solely to the initiated. Some objects, such as war spoils, or some people, like first-borns, receive a sacred character that necessitates that they be set aside from the group. Conversely, for them to be integrated, one is conditioned by the observance of a ritual or of postures that insure the protection of the remainder of the group.
In order to understand prohibitions and various regulations, one needs to be aware of the economical and social context in which they develop as well as of the collective imaginary to which they refer. Thus Assyrians put into place a fundamental distinction between what is voluntary and involuntary. Taking into account involuntary mistakes allows explaining any type of trouble that is related to the behavior of the one affected by trouble. This sense of responsibility generates new prohibitions established by hemerology, which sets auspicious and inauspicious days. Knowing these days limits the risk for unconscious mistakes. For their part, the founding texts of Judaism at the Persian time express an ideal where law should be placed under the authority of the temple. The law of retaliation (lex talionis) and the penalties of mutilations it implies is here indicative more of an ideological construction than of a historical reality.

Jean-Marie Durand, professeur honoraire du Collège de France. Ancien titulaire de la chaire d’Assyriologie. Il a dirigé l’équipe UMR 7192 (CNRS/Collège de France) jusqu’en 2011.
Michaël Guichard, Directeur d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, Paris, 4e section de la chaire « Histoire et philologie de la Mésopotamie ».
Thomas Römer, Professeur au Collège biblique (Chaire des Milieux bibliques) et à l’Université de Lausanne. Il est directeur de l’équipe UMR 7192 depuis 2012.

2015, Seiten XII-314,
ISBN 978-3-7278-1771-7

 

Buchbestellung
Peeters Publishers

Download Volltext
ZORA (Zurich Open Repository and Archive)